Le tabellion savoyard se différencie de l'enregistrement pratiqué en France par le fait qu'il ne se limite pas à une brève analyse des actes notariés, mais qu'il en enregistre le texte intégral avec authentification par la signature du notaire. Il comprend notamment des actes administratifs établis devant notaires mais non conservés dans les minutiers, ainsi que des actes judiciaires (tutelles, curatelles). Il ne s'agit donc pas d'un simple double des minutaires.
Les types d'actes sujets à l'insinuation sont nombreux : testaments non solennels, codicilles, donations à cause de mort, constitutions et restitutions de dots, échanges, divisions, cessions de biens immobiliers, transactions, accords, créances, pensions, ventes de biens féodaux, allodiaux, emphytéoses, donations en paiement, ratifications, crédits, loyers, constitutions de rentes et cens, prix-faits, créances, quittances, procurations et la plupart des écrits privés. Les actes faits par autorité de justice (tutelles, curatelles, émancipations, inventaires), que le Sénat avait exemptés d'insinuation en 1697, y sont à nouveau soumis par l'édit du 7 mai 1701. En 1770, les Royales Constitutions imposent que parmi les actes sous seing privé, seuls soient insinués ceux ne renfermant que des conventions pour lesquelles la forme privée est permise. Ne sont pas soumis à l'insinuation, certaines catégories d'actes qui sont pour la plupart enregistrées par d'autres organismes : il s'agit des actes du gouvernement et de la Chambre des comptes, des investitures, des reconnaissances du domaine royal, de la rénovation des biens féodaux et emphytéotiques de ce même domaine et des vassaux du roi, des actes des conseils des villes et des communautés, des testaments déposés au Sénat et des testaments olographes, des constitutions de mandataires ad litem et de certains actes judiciaires. L'édit de 1701 précise que les contrats enregistrés dans les greffes et les châtellenies sont dispensés de l'insinuation ainsi que les actes d'état de déclaration, de visite ou d'estimation de travail, sauf si les intéressés en font la demande.
Le tabellion est concrètement constitué de registres d'insinuation d'actes et de répertoires. Ces derniers sont soit placés en début du registre d'insinuation, soit à la fin, soit encore sont présents sous la forme de registres indépendants. Selon les bureaux et les millésimes, on observe que certains manquent ou non jamais été rédigés. Ces instruments de recherche ne sont pas un index des noms de personnes contractantes, de lieux ou de matières, mais des mentions sommaires des actes insinués avec renvois aux numéros de folios. Certains répertoires présentent un index des noms de notaires. Ces brèves analyses suivent l'ordre des enregistrements et ne correspondent donc pas à un ordre chronologique des actes.
Les transcriptions des actes et leur enregistrement ne sont pas effectués dans un souci global de présenter chronologiquement tous les actes du département d'insinuation. En effet, les notaires apportent individuellement au bureau d'insinuation un lot entier d'actes (ceux-ci n'étant par ailleurs pas toujours classés par ordre chronologique à l'origine), qui sont enregistrés consécutivement. On peut retrouver ainsi dans les registres un certain ordre chronologique, mais uniquement concernant une suite de transcriptions provenant d'un même notaire sur une plage temporelle restreinte.
Les notaires disposent d'un délai maximal de trois mois, réduit à 50 jours en 1770, pour apporter leurs actes à l'insinuateur. S'il est normal de constater que certains rédigés à la fin d'une année sont enregistrés au début de l'année suivante, on observe également des anomalies. D'une part, des oublis ou des pertes temporaires semblent expliquer que des actes aient été ajoutés en fin de reliure et insinués plusieurs années après la date de l'acte (exemple : un acte daté de 1717 qui aurait été ajouté au registre de 1717 bien qu'il ait été insinué en 1729). D'autre part, certains registres, dont un porte la mention " restats ", ne présentent presque aucune logique interne et sont composés d'actes établis et insinués à des dates très diverses. Certains actes correspondent à des folios lacunaires dans leurs registres de destination logique, mais ce n'est de loin pas la majorité. Cependant dans la très grande majorité des cas, les dates d'insinuation sont, elles, chronologiques au sein des registres. Le chercheur ne parvenant pas à trouver un acte précis doit consulter le registre des restats (6 C 1556).
L'intérêt du tabellion tant pour l'histoire économique, celle des mentalités, la généalogie est évident : étude des familles (contrats de mariages, testaments, partages, tutelles, donations...) ; vie des communes (bilans financiers annuels, biens communaux...) ; industries et entreprises (constitutions de sociétés, projets de moulins, de forges...).